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Le statut du Bitcoin suscite encore débats et controverses : monnaie, actif spéculatif ou simple réseau de paiement ? Lancé en 2009 par le mystérieux Satoshi Nakamoto, le BTC a prouvé sa résilience et son attractivité auprès d’investisseurs, mais peine à remplacer l’euro ou le dollar au quotidien. Cet article explore les critères qui font une monnaie, vérifie si le Bitcoin y répond, analyse ses usages actuels et ses défis techniques et réglementaires, avant de se projeter vers un avenir « bitcoinisé ».

Définition d’une monnaie : critères et fonctions

Pour comprendre si le Bitcoin peut être qualifié de monnaie, il est indispensable de rappeler ce qui, en économie, confère à un actif la qualité monétaire. Traditionnellement, une monnaie remplit trois fonctions essentielles :

  • Unité de compte, c’est-à-dire une référence commune permettant de mesurer la valeur des biens et services et de comparer leurs prix ;
  • Moyen d’échange, c’est-à-d ire un instrument accepté par la communauté pour régler des transactions ;
  • Réserve de valeur, c’est-à-d ire la capacité à préserver son pouvoir d’achat dans le temps, sans souffrir d’une dépréciation trop rapide.

Certains économistes ajoutent parfois une quatrième fonction : être instrument de règlement différé, autrement dit permettre de conclure des contrats dont le paiement s’effectue ultérieurement. Au-delà de ces fonctions, une monnaie doit également bénéficier d’une liquidité suffisante : il faut qu’elle puisse être convertie facilement et rapidement sans perte significative de valeur.

Ces critères forment le socle sur lequel reposent l’évaluation de n’importe quelle monnaie, qu’elle soit émise par un État (monnaie fiduciaire), adossée à un actif tangible (comme l’or), ou, plus récemment, produite de manière algorithmique, comme c’est le cas pour le Bitcoin. Dans les sections suivantes, nous verrons dans quelle mesure le Bitcoin satisfait chacune de ces fonctions et quelles limites techniques ou structurelles peuvent freiner son usage au quotidien.

Bitcoin : répond-il aux quatre fonctions de la monnaie ?

Unité de compte

Pour qu’un actif soit considéré comme monnaie, il doit servir de référence pour exprimer la valeur des biens et services. À ce titre, le Bitcoin reste marginal : la plupart des commerçants et prestataires facturent toujours en euros, dollars ou autre devise nationale. Lorsqu’ils acceptent le BTC, ils convertissent généralement le montant en monnaie fiat au moment de la transaction. Ce double affichage, prix en euro et prix équivalent en bitcoin, empêche le BTC de devenir une véritable unité de compte au quotidien. Son instabilité relative, avec des variations pouvant dépasser 10 % en quelques jours, rend par ailleurs peu pratique la fixation de prix directement en bitcoin.

Moyen d’échange

Le Bitcoin est en revanche un moyen d’échange fonctionnel : n’importe quel détenteur peut envoyer des satoshis à un autre utilisateur sans passer par une banque, et ce à toute heure et depuis pratiquement n’importe quel point du globe. Les frais de transaction, bien qu’ayant été très volatils par le passé, tendent à se stabiliser, notamment grâce aux solutions de seconde couche comme le réseau Lightning, qui permet des paiements quasi instantanés à coût réduit. Cependant, l’adoption pour les microtransactions reste freinée par la nécessité de maîtriser une nouvelle interface et par la lenteur inhérente à la confirmation des blocs lorsqu’on se limite à la couche principale.

Réserve de valeur

Ici, le Bitcoin tire pleinement parti de son offre limitée à 21 millions d’unités et de son algorithme de halving, qui réduit périodiquement le flux de création de nouveaux BTC. Ces caractéristiques ont conduit de nombreux investisseurs à considérer le BTC comme une sorte d’« or numérique » : face à l’inflation croissante des monnaies fiat, il offre une protection théorique contre la dépréciation du pouvoir d’achat. Les performances passées, avec des cycles de hausse suivis de corrections, ont renforcé cette perception, même si la volatilité demeure un obstacle pour les profils les moins enclins au risque.

Instrument de règlement différé

La capacité à conclure des contrats dont le paiement s’effectue ultérieurement dépend de la stabilité de la monnaie choisie ; une trop forte fluctuation entre la promesse et le règlement peut créer des déséquilibres. Avec le Bitcoin, la question est délicate : si des entreprises et quelques plateformes spécialisées proposent d’ores et déjà des solutions de paiement échelonné en BTC, elles doivent souvent prévoir des mécanismes de couverture contre le risque de change. Tant que le BTC accélère de façon imprévisible, il restera difficile de l’utiliser massivement pour des échanges à crédit ou des salaires.

Limites du Bitcoin en tant que monnaie de circulation

Malgré ses atouts indéniables, le Bitcoin peine à s’imposer comme un moyen de paiement courant. Sa volatilité, avec des fluctuations parfois supérieures à 10 % en une semaine, décourage l’usage quotidien : un commerçant qui accepterait le BTC court le risque de voir la valeur encaissée fondre avant même de pouvoir la convertir en monnaie nationale. Cette incertitude freine tant les vendeurs que les acheteurs, qui préfèrent les systèmes instantanément stables pour leurs achats courants.

Sur le plan technique, la vitesse et le coût des transactions sur la couche de base constituent un autre frein majeur. Chaque transaction doit être validée par l’ajout d’un nouveau bloc à la blockchain, ce qui prend en moyenne dix minutes, et les frais peuvent s’envoler lorsque le réseau est encombré. Bien que le Lightning Network apporte une solution de seconde couche pour les paiements rapides et bon marché, son adoption reste limitée et sa mise en œuvre technique complexe pour l’utilisateur lambda. Tant que ces outils ne seront pas simplifiés et généralisés, le Bitcoin restera plus adapté aux transferts de valeur importants qu’aux micro-paiements.

L’expérience utilisateur constitue également un obstacle : gérer ses clés privées, installer un wallet sécurisé ou comprendre la notion de frais dynamiques dépasse souvent les compétences du grand public. Une erreur de manipulation peut entraîner la perte définitive de ses bitcoins, ce qui renforce la méfiance envers cette technologie pourtant solide. Les solutions centralisées (exchanges, portefeuilles hébergés) pallient en partie ces difficultés, mais introduisent un tiers de confiance et s’éloignent du principe fondamental de décentralisation.

Enfin, les questions réglementaires pèsent sur l’acceptation du Bitcoin comme monnaie de circulation. Dans de nombreux pays, son statut légal reste flou ou restrictif : les entreprises hésitent à l’intégrer dans leurs systèmes de paiement, craignant des obligations de déclaration ou des sanctions fiscales. Sans un cadre juridique clair, le BTC continuera d’être perçu avant tout comme un actif d’investissement, et non comme une devise utilisable au quotidien, limitant durablement son adoption comme moyen de paiement global.

Cas d’usage actuels : paiement, réserve de valeur ou instrument spéculatif ?

Aujourd’hui, le Bitcoin se prête à plusieurs usages, parfois complémentaires, parfois antagonistes. D’abord comme moyen de paiement, il facilite les transactions internationales en contournant les chaînes bancaires traditionnelles. Certains commerçants en ligne ou boutiques physiques acceptent le BTC, séduits par la rapidité des transferts et l’absence de rétrofacturation. Dans des pays où les devises locales manquent de confiance ou subissent de fortes restrictions de change, le Bitcoin offre une alternative pour acheter des biens importés ou transférer de l’argent entre proches sans passer par les services coûteux de transfert d’argent.

Ensuite, pour un nombre croissant d’investisseurs, le Bitcoin tient la place d’une réserve de valeur. Comparé aux marchés boursiers ou à l’immobilier, qui requièrent des montants plus importants et des délais de liquidité, le BTC permet de détenir un actif numérique facilement transférable et stockable. avec l’espoir de valorisation à long terme. Les institutions financières, banques et hedge funds ont commencé à intégrer le Bitcoin dans leurs portefeuilles. contribuant à légitimer son statut d’“or numérique” et à stabiliser quelque peu sa volatilité grâce à de nouveaux flux d’investissement.

Enfin, le Bitcoin demeure un instrument hautement spéculatif. Les traders cherchent à profiter des mouvements de prix, parfois amplifiés par l’effet de levier sur les plateformes d’échange. Les annonces macroéconomiques, les décisions des banques centrales ou les évolutions réglementaires peuvent déclencher des vagues d’achat ou de vente en quelques heures. Cette forte composante spéculative attire certes les capitaux, mais entretient une volatilité qui limite l’emploi du Bitcoin comme monnaie courante. Les deux rôles, réserve de valeur et actif de trading. se nourrissent et se contredisent, façonnant la perception du Bitcoin selon les horizons temporels et les profils d’utilisateurs.

Voir aussi : Qu’est-ce que le Bitcoin (BTC) ? Le guide complet

Comparaison avec les monnaies fiduciaires et les stablecoins

Contrairement aux monnaies fiduciaires, euro, dollar ou yen, dont la valeur repose sur la confiance accordée à une banque centrale et à l’État émetteur, le Bitcoin puise sa légitimité dans un algorithme public et une communauté décentralisée. Les devises traditionnelles peuvent faire l’objet d’inflations décidées politiquement, entraînant une perte de pouvoir d’achat plus ou moins marquée selon les cycles économiques. Le Bitcoin, avec son plafond fixé à 21 millions d’unités. offre une rareté mathématiquement garantie et à l’abri d’une manipulation monétaire directe.

Pour autant, les monnaies fiat conservent des avantages importants pour les paiements du quotidien : elles sont acceptées universellement. leur conversion est instantanée et les infrastructures bancaires permettent d’exécuter des transactions sans que l’utilisateur doive maîtriser de nouvelles technologies. Là où le Bitcoin exige un portefeuille et une certaine rigueur de gestion des clés, l’euro se gère via une application bancaire classique, avec un filet de sécurité légal bien défini.

Les stablecoins, ces jetons numériques dont la valeur est indexée sur une devise fiduciaire, comme l’USDT ou l’USDC pour le dollar, offrent un pont entre la stabilité des monnaies traditionnelles et la flexibilité des cryptomonnaies. Ils permettent de profiter de l’exécution rapide et de la programmabilité d’une blockchain sans subir la volatilité du Bitcoin. Pour les paiements transfrontaliers, les stablecoins réduisent les risques de perte de valeur durant le transfert, tandis que le Bitcoin conserve son rôle de réserve de valeur et d’actif de diversification.

En définitive, chaque actif répond à des besoins différents : les monnaies fiduciaires restent incontournables pour la vie quotidienne et la régulation, les stablecoins allient stabilité et rapidité dans l’univers blockchain, et le Bitcoin, par sa rareté et son indépendance, se positionne comme un complément potentiellement efficace, à la fois comme actif refuge et comme instrument d’innovation financière.

Facteurs techniques et évolutions pour renforcer l’usage monétaire

L’adoption généralisée du Bitcoin comme monnaie passe par des améliorations techniques qui réduisent la friction à l’usage et renforcent la confiance des utilisateurs. D’abord, la mise en place de solutions de seconde couche, notamment le Lightning Network, s’est accélérée. En déplaçant la majeure partie des petits paiements hors de la blockchain principale, le Lightning offre des transactions quasi instantanées et à frais négligeables, rendant le Bitcoin comparable à une application de paiement traditionnelle. L’enjeu consiste désormais à simplifier l’expérience : intégrer la génération automatique de canaux de paiement, masquer la complexité des adresses et offrir des interfaces intuitives pour que tout un chacun puisse envoyer ou recevoir des satoshis sans barrière technique.

Sur la couche de base, les prochaines réflexions portent sur l’optimisation de la taille des transactions et la confidentialité. L’activation de signatures Schnorr et de Taproot a jeté les bases d’ensembles de transactions plus compacts et plus difficiles à retracer, tout en permettant des scripts plus souples pour des paiements conditionnels. À terme, ces fonctionnalités devraient baisser le coût unitaire des transactions, encourageant les commerçants à afficher leurs prix en BTC et à accepter la crypto sans craindre de lourdes charges.

Par ailleurs, le développement d’outils de conversion intégrés, tels que des passerelles fiat-Bitcoin instantanées dans les terminaux de point de vente, joue un rôle crucial. En automatisant la conversion en monnaie locale au moment de la transaction, ces services protègent le commerçant contre la volatilité et offrent au client une expérience fluide, sans avoir à se soucier du cours du BTC.

Enfin, l’amélioration de l’interopérabilité entre blockchains et standards, à travers des protocoles comme Interledger ou des jetons enveloppés (wBTC, sBTC…), ouvre la voie à un écosystème où le Bitcoin peut circuler librement dans des applications DeFi ou être utilisé comme garantie pour des prêts, tout en restant ancré dans sa fonction monétaire originelle. Ces évolutions techniques, en déplaçant le BTC vers un usage quotidien sûr, rapide et peu coûteux, devraient favoriser son adoption en tant que véritable monnaie à part entière.

Enjeux réglementaires et acceptation institutionnelle

La question réglementaire constitue l’un des principaux défis pour l’intégration du Bitcoin dans le système monétaire global. Dans de nombreuses juridictions, le statut du BTC oscille entre monnaie, marchandise ou actif financier, en fonction des lois locales et de l’interprétation des autorités de supervision. Cette freine la confiance des entreprises qui souhaiteraient accepter directement le Bitcoin comme moyen de paiement, de peur d’être soumises à des obligations de déclaration, de taxes ou de conformité imprévues.

Au niveau international, les grandes économies progressent lentement vers des cadres plus clairs. L’Union européenne, par exemple, a adopté le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), qui devrait harmoniser la supervision des actifs numériques et offrir un environnement légal plus stable aux prestataires de services. Aux États-Unis, la SEC et la CFTC poursuivent leurs débats sur la classification du BTC, tandis que certains États explorent des initiatives pilotes pour encourager l’usage des cryptomonnaies dans les administrations locales.

Parallèlement, l’intérêt des institutions financières traditionnelles se confirme. L’apparition d’ETF Bitcoin sur les places américaines a marqué un tournant : des gestionnaires d’actifs classiques peuvent désormais exposer leurs clients au BTC sans les complexités techniques d’un wallet personnel. Des banques privées offrent des services de conservation sécurisée, et certaines grandes entreprises intègrent le Bitcoin à leurs bilans comme réserve de valeur. Cette légitimation institutionnelle contribue à stabiliser partiellement la perception du risque, même si le marché reste sensible aux annonces réglementaires.

Enfin, les partenariats entre acteurs publics et privés. laboratoires de recherche sur la blockchain, initiatives de CBDC (monnaies numériques de banques centrales) et programmes d’éducation, jouent un rôle croissant. En associant le Bitcoin à des projets pilotes de paiement transfrontalier ou d’inclusion financière en zones non bancarisées, les gouvernements peuvent évaluer son potentiel tout en encadrant étroitement son utilisation. C’est à cette condition que le BTC pourra dépasser le stade d’actif d’investissement spéculatif pour devenir un véritable instrument de paiement reconnu, soutenu par des règles claires et une infrastructure institutionnelle apaisée.

Perspectives : vers une monnaie « bitcoinisée » ?

Imaginer un futur « bitcoinisé » revient à envisager un monde où le BTC serait utilisé aussi naturellement que l’euro ou le dollar, sans qu’il soit nécessaire de penser en termes de conversion lors de chaque transaction. Pour y parvenir, plusieurs conditions doivent se concrétiser :

D’abord, la maturité technique des réseaux de seconde couche et des interfaces utilisateur doit progresser. Une adoption massive du Lightning Network, combinée à des portefeuilles ergonomiques et à des terminaux de paiement intégrant le Bitcoin de manière transparente, permettrait de gommer les frictions actuelles. Les commerçants n’auraient plus à gérer le risque de change ni à suivre le cours en temps réel : le calcul du montant en BTC et son versement se feraient de façon automatique et instantanée.

Ensuite, la normalisation réglementaire est cruciale. L’établissement de règles claires sur la fiscalité, la lutte contre le blanchiment et la protection des consommateurs renforcerait la confiance des entreprises et des particuliers. Dans ce contexte, des programmes pilotes de monnaies numériques de banque centrale (CBDC) pourraient coexister avec le Bitcoin, chacun reflétant des philosophies monétaires différentes : les CBDC pour les transactions quotidiennes à l’intérieur d’un cadre étatique, le Bitcoin pour des paiements transfrontaliers ou des réserves de valeur indépendantes.

Enfin, l’évolution des mentalités et des pratiques culturelles jouera un rôle décisif. À mesure que les générations nées avec le numérique prendront le pouvoir d’achat et élargiront l’usage de la crypto, l’acceptation du Bitcoin comme monnaie de tous les jours pourrait s’accélérer. Des intégrations dans les salaires, les abonnements ou les aides sociales sous forme de BTC, expérimentées dans certaines régions, seraient autant d’impulsions fortes vers une économie réellement « bitcoinisée ».

En conclusion, si le chemin reste semé d’obstacles techniques, juridiques et culturels, la combinaison d’innovations protocolaires, d’un cadre légal stable et d’une appropriation grand public pourrait, sur le long terme, transformer le Bitcoin d’actif spéculatif en véritable monnaie du 21ᵉ siècle.