La fiscalité des cryptomonnaies en France a gagné en clarté, mais elle reste source d’erreurs coûteuses au moment de la déclaration. Cet article a pour objectif de t’aider à identifier quand tu es imposable, estimer rapidement l’impôt dû, puis remplir correctement les formulaires (2042, 2086 et 3916/3916-bis). On va droit au but, avec des exemples chiffrés, des check-lists et des modèles prêts à l’emploi.
Ce guide est informatif et s’appuie sur les règles applicables aux particuliers. Les situations peuvent varier (activité pro, rémunérations en crypto, NFT, DeFi). En cas de doute, rapproche-toi d’un professionnel.
L’essentiel à connaître en 2 minutes
Tu ne retiens que ceci :
- Imposable lorsque tu cèdes des crypto contre de la monnaie “fiat” (euros) ou que tu règles un bien/service en crypto.
- Les échanges crypto-crypto et les transferts entre tes propres wallets ne génèrent pas d’impôt au moment de l’échange ; ils impactent toutefois le calcul des coûts d’acquisition.
- Taux par défaut : PFU 30 % appliqué sur la plus-value nette annuelle (prélèvements sociaux inclus). Option possible pour le barème progressif si c’est plus favorable à ton foyer.
- Formulaires : 2086 (récap des opérations), 2042/2042-C (report du total), 3916/3916-bis (comptes sur plateformes étrangères).
- Prouves ce que tu déclares : exports CSV/API d’exchanges, horodatages, frais, captures des wallets. Conserve tout.
Êtes-vous imposable ? (cas concrets)
En France, la plus-value n’est imposable que lors d’une cession contre de la monnaie ayant cours légal (comme l’euro) ou lorsqu’un bien/service est payé en crypto. Les échanges crypto-crypto (y compris vers des stablecoins) et les transferts entre vos propres portefeuilles ne déclenchent pas d’impôt au moment de l’opération ; ils sont néanmoins pris en compte dans les montants utilisés pour calculer la plus-value lors d’une future cession imposable.
En pratique :
- Vente BTC → € sur un exchange, ou carte crypto qui débite vos actifs pour payer un commerçant → imposable.
- Swap ETH → USDT ou bridge d’une L2 à une autre → non imposable immédiatement.
- Transfert de Binance vers Ledger → non imposable.
- Airdrop reçu / staking/mining : la réception n’est pas une cession ; l’imposition intervient à la cession ultérieure (et selon la nature du revenu à la réception).
Pensez aussi aux obligations déclaratives : 3916/3916-bis pour les comptes/plateformes étrangers, même si aucune cession imposable n’a eu lieu sur l’année.
Calculer la plus-value imposable (méthode officielle)
Le régime des actifs numériques applique un pro-rata du coût d’acquisition sur chaque cession. On ventile une partie du coût total de votre portefeuille au prorata de la valeur cédée, puis on compare au prix de vente.
Formule résumée :
Plus-value = Prix de cession − (Prix total d’acquisition du portefeuille × Prix de cession / Valeur globale du portefeuille au jour de la cession) − Frais de cession
- Prix total d’acquisition du portefeuille : toutes vos acquisitions historiques frais inclus (somme des coûts d’achat et dépôts en fiat) à la date de la cession.
- Valeur globale du portefeuille : valeur en euros de l’ensemble de vos actifs au moment de la cession (ceux vendus + ceux conservés).
- Frais de cession : frais prélevés lors de la vente (on les soustrait du prix de cession).
Exemple (ordre de grandeur) : vous vendez pour 2 000 €, votre portefeuille vaut 8 000 € au moment de la vente, votre coût total historique est 5 000 €, frais de vente 20 € →
Coût ventilé = 5 000 × 2 000 / 8 000 = 1 250 ; Plus-value = 2 000 − 1 250 − 20 = 730 €.
PFU 30 % ou barème progressif : que choisir ?
Par défaut, la plus-value d’actifs numériques est taxée au PFU 30 % (12,8 % d’IR + 17,2 % de prélèvements sociaux).
Tu peux opter pour le barème progressif si c’est plus intéressant pour ton foyer. En pratique :
- TMI 0 % ou 11 % → le barème est souvent ≤ 28,2 %, donc fréquemment plus avantageux que 30 %.
- TMI 30 %/41 %/45 % → le PFU est presque toujours plus bas (30 % vs 47,2 %, 58,2 %, 62,2 %).
- L’option est annuelle et globale (elle engage le foyer pour l’année considérée) : vérifie l’impact sur tes autres revenus de capitaux.
- Les moins-values crypto ne se reportent pas sur les années suivantes : elles ne s’imputent que sur les plus-values crypto de la même année.
Tutoriel pas à pas : remplir les formulaires
Avant de commencer, réunis : exports CSV/API de tes plateformes, liste des cessions en euros (ou paiements en biens/services), frais associés, valeur globale du portefeuille au moment de chaque cession, et les infos d’identification de tes comptes/plateformes étrangers (nom, pays, identifiant, dates d’ouverture/fermeture).
1) Formulaire 2086 — Récapitulatif des opérations crypto
- Lister uniquement les cessions imposables : ventes contre euros et paiements de biens/services. Les swaps crypto-crypto et transferts internes n’entrent pas ici (pas imposables à l’instant T).
- Collecter les données par cession : date/heure, actif vendu, prix de cession brut en €, frais de cession, valeur globale du portefeuille (VGP) au moment de la vente, prix total d’acquisition (PTA) cumulé à cette date (achats historiques + frais).
- Calculer la plus-value “méthode française” :
- Coût ventilé = PTA × Prix de cession / VGP
- Plus-value (ou moins-value) = Prix de cession − Frais − Coût ventilé
- Saisir une ligne par cession dans la 2086 avec ces éléments. Si le résultat est négatif, c’est une moins-value (imputable sur les plus-values crypto de la même année).
- Totaliser en fin d’année : somme des plus-values – somme des moins-values = plus-value nette annuelle.
- Contrôler et archiver : montants, cohérence des frais, captures d’écran, exports CSV/API et éventuels justificatifs de taux de change.
Cas particuliers (rappel) : réception d’airdrops/staking/mining = pas une cession ; l’imposition intervient à la vente ultérieure. Les stablecoins suivent les mêmes règles : swap non imposable, cession en euros ou paiement = imposable.
2) Formulaire 2042 / 2042-C — Déclaration principale
- Ouvrir la 2042/2042-C dans ton espace impots.gouv.
- Reporter le total de la plus-value nette annuelle issu de la 2086.
- Choisir le régime :
- PFU 30 % (par défaut) = 12,8 % d’IR + 17,2 % de prélèvements sociaux.
- Option pour le barème progressif si c’est plus favorable à ton foyer (option annuelle et globale pour l’ensemble des revenus de capitaux mobiliers).
- Relire et valider : identité du foyer, RFR, éventuels acomptes, cohérence générale.
- Conserver les pièces : la 2086 détaillée, justificatifs, exports.
3) Formulaire 3916 / 3916-bis — Comptes et plateformes étrangers
- Déclarer chaque prestataire étranger utilisé ou détenu pendant l’année (exchanges/plateformes situés hors de France), qu’il y ait eu ou non des cessions imposables.
- Renseigner pour chaque compte : nom du prestataire, pays/adresse, identifiant de compte (ou référence), date d’ouverture, date de clôture s’il y en a une, et la nature “actifs numériques”.
- Répéter l’opération pour toutes les plateformes concernées (comptes ouverts et/ou fermés dans l’année).
- Conserver une preuve d’ouverture/détention (email de création, capture, contrat).
- À propos des wallets auto-hébergés (non-custodial) : en l’état, ils ne sont en général pas assimilés à un compte chez un prestataire étranger. Si tu utilises un service custodial (le prestataire détient les clés), la déclaration 3916-bis s’applique. En cas de doute, vérifie ta situation.
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