Le Bitcoin s’impose progressivement dans le paysage financier français, au point que certains salariés souhaitent désormais percevoir une partie de leur rémunération en cryptomonnaie. Mais est-ce légal en France ? Comment les entreprises peuvent-elles mettre en place un tel dispositif ? Entre opportunités d’investissement et questions fiscales, le salaire en Bitcoin soulève de nombreuses interrogations.
Ce guide complet 2025 vous éclaire sur la législation en vigueur, les démarches pratiques et les implications fiscales pour transformer cette aspiration en réalité. Que vous soyez employeur curieux ou salarié intéressé, voici tout ce qu’il faut savoir avant de franchir le pas.
Le cadre légal du salaire en Bitcoin en France
Le principe du paiement en euros : une obligation légale
En France, la législation du travail impose un cadre strict concernant le versement des salaires. L’article L3241-1 du Code du travail stipule clairement que toute rémunération doit être versée en euros, la monnaie ayant cours légal sur le territoire français. Cette obligation n’est pas anodine : elle vise avant tout à protéger les salariés contre les risques de fluctuation monétaire qui pourraient affecter leur pouvoir d’achat. Dans ce contexte juridique, le Bitcoin pose un problème fondamental car il n’est pas reconnu comme une monnaie légale en France, mais plutôt comme un actif numérique. Par conséquent, un employeur ne peut légalement verser l’intégralité du salaire d’un employé en Bitcoin sans enfreindre la loi.
Le Bitcoin comme complément de salaire : la solution légale
Toutefois, le cadre légal français n’interdit pas totalement l’utilisation du Bitcoin dans la rémunération. La clé réside dans l’approche adoptée : le Bitcoin peut parfaitement constituer un complément de rémunération, tant que le salaire de base reste versé en euros. Cette nuance ouvre la porte à plusieurs possibilités pour les entreprises souhaitant intégrer les cryptomonnaies dans leur politique de rémunération. Un employeur peut par exemple proposer de verser une prime ou un bonus en Bitcoin, que ce soit de manière ponctuelle ou régulière. Il est également envisageable de convertir des dispositifs d’intéressement ou de participation en cryptomonnaies, offrant ainsi aux salariés une forme d’épargne salariale alternative. Certaines entreprises considèrent même le Bitcoin comme un avantage en nature, bien que cette approche nécessite une valorisation précise et documentée pour être acceptée par l’administration.
Les conditions à respecter
Pour mettre en place un tel dispositif tout en restant dans la légalité, l’employeur doit respecter plusieurs conditions essentielles. Premièrement, l’accord écrit du salarié est indispensable et doit être formalisé par un avenant au contrat de travail. Deuxièmement, l’employeur doit impérativement garantir que le salaire minimum légal, soit le SMIC, est versé en totalité en euros. Troisièmement, il est crucial de documenter avec précision la valeur de conversion appliquée au moment de chaque versement, car cette information sera nécessaire tant pour les déclarations fiscales que sociales. Enfin, l’employeur conserve toutes ses obligations déclaratives habituelles auprès de l’URSSAF et doit traiter la partie en Bitcoin comme n’importe quel autre élément de rémunération. Bien que le cadre juridique demeure encore relativement flou sur certains aspects spécifiques liés aux cryptomonnaies, cette approche hybride constitue actuellement la voie la plus sécurisée et la plus conforme pour proposer une rémunération incluant du Bitcoin en France.
Cadre Légal en 3 Étapes
Paiement en euros obligatoire
Le Code du travail (art. L3241-1) impose le versement du salaire en euros. Le Bitcoin n’étant pas une monnaie légale, un salaire 100% en BTC est illégal en France.
Bitcoin en complément autorisé
Le Bitcoin peut constituer un complément de rémunération : primes, bonus, intéressement ou avantage en nature, tant que le salaire de base reste en euros.
Conditions à respecter
Accord écrit du salarié, SMIC garanti en euros, documentation de la conversion, et déclarations URSSAF complètes. Une approche sécurisée pour proposer du Bitcoin légalement.
Comment mettre en place un salaire en Bitcoin dans son entreprise
Choisir la bonne plateforme de paiement
La première étape consiste à sélectionner un prestataire fiable pour gérer les transactions. Plusieurs solutions s’offrent aux entreprises françaises :
Définir les modalités de conversion
Deux options principales s’offrent à l’employeur :
- Conversion au moment du versement : l’entreprise convertit les euros en Bitcoin selon le cours du jour, puis transfère les cryptos
- Conversion après versement : le salarié reçoit des euros sur une plateforme partenaire qui convertit automatiquement en Bitcoin
La première option est plus transparente fiscalement, car elle permet de documenter précisément la valeur de l’avantage au moment de son attribution.
Formaliser l’accord avec le salarié
Un avenant au contrat de travail doit préciser :
- Le montant ou pourcentage du salaire concerné
- La fréquence des versements en Bitcoin
- La méthode de calcul du taux de conversion
- Les modalités de réversibilité (retour au 100% euros)
- L’adresse de wallet du salarié pour les transferts
Mise en place administrative
L’entreprise doit également :
- Intégrer ces versements dans les bulletins de paie
- Déclarer la valeur en euros aux organismes sociaux
- Tenir un registre des conversions effectuées
- Informer l’expert-comptable pour la comptabilisation
Avec une bonne préparation, la mise en place d’un salaire partiel en Bitcoin peut se faire en quelques semaines tout en respectant le cadre légal français.
L’imposition du salaire en Bitcoin
La fiscalité du Bitcoin perçu en tant que rémunération diffère fondamentalement de celle appliquée aux gains réalisés par l’achat et la revente de cryptomonnaies. Lorsqu’un salarié reçoit du Bitcoin dans le cadre de son contrat de travail, l’administration fiscale française considère cet apport comme un revenu salarial classique, et non comme un actif numérique soumis au régime des plus-values. Cette distinction est cruciale car elle détermine le mode d’imposition applicable. Concrètement, le Bitcoin perçu doit être déclaré dans la catégorie des traitements et salaires, exactement comme un salaire versé en euros. La valeur à déclarer correspond au cours du Bitcoin au moment précis du versement, converti en euros selon le taux de change en vigueur ce jour-là.
Le salarié sera donc imposé selon son taux marginal d’imposition habituel, qui peut s’échelonner de 0% à 45% selon sa tranche de revenus, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux. Cette première imposition ne représente toutefois qu’une partie de l’équation fiscale. En effet, si le salarié conserve ses Bitcoins et que leur valeur augmente avec le temps, une seconde imposition interviendra lors de la revente. Cette plus-value sera alors soumise à la flat tax de 30%, composée de 12,8% d’impôt sur le revenu et de 17,2% de prélèvements sociaux. Il est donc essentiel de bien comprendre que recevoir un salaire en Bitcoin génère potentiellement deux événements fiscaux distincts : l’imposition initiale au moment de la perception, puis l’imposition de la plus-value éventuelle au moment de la cession.
Maîtrise la fiscalité crypto en France
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Du côté de l’entreprise, les obligations en matière de charges sociales demeurent identiques à celles applicables pour un salaire classique. L’employeur doit calculer et verser l’ensemble des cotisations sociales sur la valeur en euros du Bitcoin versé au salarié. Ces cotisations comprennent les charges patronales, qui représentent environ 42% du salaire brut, ainsi que les cotisations salariales d’environ 22%, auxquelles s’ajoutent la CSG et la CRDS. La base de calcul de ces cotisations correspond à la valeur du Bitcoin au moment de son attribution, ce qui impose à l’entreprise de documenter précisément le taux de conversion appliqué.
L’employeur doit ensuite déclarer ces montants à l’URSSAF via la Déclaration Sociale Nominative, exactement comme il le ferait pour tout autre élément de rémunération. Cette obligation signifie que le versement d’une partie du salaire en Bitcoin n’allège en rien les charges sociales de l’entreprise et n’offre aucun avantage fiscal particulier de ce point de vue. L’entreprise doit traiter administrativement ces versements avec la même rigueur que pour un salaire classique, ce qui implique une charge de travail supplémentaire pour les services comptables et RH.
Les obligations déclaratives
Les obligations déclaratives concernent à la fois le salarié et l’employeur, et leur respect est essentiel pour éviter tout redressement fiscal. Pour le salarié, la première obligation consiste à déclarer ses revenus salariaux en indiquant la valeur en euros du Bitcoin reçu dans sa déclaration annuelle de revenus. Au-delà de cette déclaration classique, le salarié doit également remplir le formulaire 3916-bis s’il stocke ses cryptomonnaies sur une plateforme d’échange située à l’étranger, ce qui est fréquemment le cas. Cette déclaration des comptes d’actifs numériques à l’étranger est obligatoire même en l’absence de plus-value. Enfin, lors de la revente de ses Bitcoins, le salarié devra déclarer les éventuelles plus-values réalisées.
Pour l’employeur, les obligations sont tout aussi importantes. Chaque versement en Bitcoin doit apparaître sur le bulletin de paie du salarié avec une valorisation précise en euros. L’entreprise doit également effectuer sa déclaration URSSAF mensuelle en incluant ces montants et conserver tous les justificatifs de conversion pendant une durée minimale de six ans. Face à cette complexité administrative et fiscale, il est vivement recommandé aux entreprises de se faire accompagner par un expert-comptable spécialisé dans les cryptomonnaies pour garantir une conformité totale avec la réglementation et éviter tout risque de redressement.
Simulation Fiscale
Impact fiscal sur 1000€ de salaire en Bitcoin
Les entreprises françaises qui proposent déjà des salaires en crypto
Les pionniers du secteur blockchain
Plusieurs entreprises françaises ont franchi le pas, principalement dans l’écosystème crypto :
- Ledger : le fabricant de hardware wallets propose à ses employés de recevoir une partie de leur salaire en Bitcoin ou Ethereum
- Coinhouse : la plateforme d’échange française permet à ses collaborateurs d’opter pour une rémunération partielle en crypto
- Blockchain Partner : ce cabinet de conseil offre cette option à ses consultants
Ces entreprises voient dans le salaire en Bitcoin un avantage compétitif pour attirer les talents du secteur et affirmer leur cohérence avec leurs valeurs.
L’expansion vers d’autres secteurs
Au-delà de la blockchain, quelques startups innovantes se lancent :
- Secteur tech : certaines agences web et développeurs freelance acceptent d’être payés en Bitcoin
- Startups fintech : des néo-banques et plateformes de paiement testent ce dispositif en interne
- Professions libérales : des avocats, consultants et formateurs spécialisés en crypto proposent cette option
Le frein des grandes entreprises
Les grands groupes français restent prudents, principalement en raison de :
Néanmoins, avec la maturation du cadre réglementaire européen (règlement MiCA), davantage d’entreprises pourraient proposer cette option dans les années à venir, notamment pour leurs équipes internationales.
Avantages, risques et perspectives d’avenir
Les avantages pour les salariés
Les avantages pour les employeurs
Les risques à ne pas négliger
Perspectives 2025-2030 : vers une normalisation ?
Le cadre réglementaire européen évolue rapidement avec :
- MiCA (Markets in Crypto-Assets) : harmonisation des règles au niveau européen depuis 2024
- Euro numérique : le projet de CBDC de la BCE pourrait faciliter les paiements en monnaies numériques
- Adoption institutionnelle : de plus en plus d’acteurs financiers traditionnels intègrent les cryptos
Le salaire en Bitcoin restera-t-il marginal ou deviendra-t-il une pratique courante ? Tout dépendra de trois facteurs : la stabilisation du cours, la simplification administrative et l’évolution des mentalités. Pour l’instant, il s’agit davantage d’un avantage de niche pour attirer un profil spécifique que d’une révolution RH généralisée.
Néanmoins, pour les early adopters et les entreprises du secteur crypto, proposer un salaire en Bitcoin n’est plus une utopie mais une réalité accessible, à condition d’en maîtriser les subtilités légales et fiscales.

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